CONFERENCE DE PRESSE DU PRESIDENT DE L’UPCI : Me SORO Brahima demande au Président OUATTARA de nous conduire en ayant les yeux rivés sur les rétroviseurs, le pare-brise étant plus large et la route sinueuse en ce moment. Voici sa déclaration liminaire
Ivoiriens, Ivoiriennes ;
Chers amis de la presse nationale et internationale ;
Mesdames et Messieurs,
Dans le cadre de l’organisation de la prochaine élection présidentielle en Côte d’Ivoire, notre parti, l’UPCI, dès la publication du code électoral instaurant le parrainage, a pris attache avec un parti frère ayant déjà expérimenté le parrainage dans son pays. C’est ainsi qu’en pleine période de restrictions liées au Covid-19, notre équipe projet a eu plusieurs visio-conférences avec les experts de ce parti afin de mieux nous préparer.
Ainsi lorsque la période de collecte des parrainages a été brutalement annoncée pour commencer le 16 juillet 2020 en même temps que le dépôt des candidatures, l’UPCI était déjà prête.
Cependant, le Parti n’ayant auparavant désigné de candidat, nous avons tenu le 25 juillet 2020, une réunion du Bureau Politique suivie d’une réunion du Conseil National aux cours desquelles l’UPCI a pris la décision de présenter un candidat à l’élection présidentielle prochaine.
A cet effet, un comité électoral, présidé par le Prof. BORAUD N’Takpé Maxime, vice-Président du Parti, a été formé immédiatement pour recevoir et examiner les candidatures. Aux termes des délibérations, le Comité électoral a reçu un seul dossier qu’il a jugé conforme aux conditions des statuts et règlement intérieur du parti ainsi qu’à la loi électorale. C’est ainsi que le Parti a décidé de me donner son parrainage.
Dans l’intervalle, conformément au code électoral, l’UPCI a désigné un collecteur central en la personne de Monsieur TIMITEY Maury, vice-Président du Parti et des collecteurs régionaux ainsi qu’une équipe d’appui.
A l’issue de la collecte des parrainages, j’ai l’honneur de vous annoncer que l’UPCI, notre parti a obtenu plus de 1% de parrainages dans 18 régions et districts là où le code électoral en demande 17.
Dans l’ordre chronologique, ces régions et districts sont :
- Le Haut Sassandra,
- L’Iffou ;
- Le Gontougo ;
- Le Hambol ;
- Le Goh ;
- L’Indénié-Djuablin ;
- Le Poro ;
- Le Bélier ;
- Le Gboklê ;
- Yamoussoukro ;
- Le Bafing ;
- Le Guemon ;
- L’Agneby-Tiassa ;
- Le Sud Comoé ;
- Abidjan ;
- La Bagoué ;
- Le Loh-Djiboua ;
- Le Nzi.
A ce stade de mon propos, je voudrais exprimer toute ma gratitude aux ivoiriens et ivoiriennes qui nous ont accordé leur parrainage alors même qu’ils subissaient par endroits des pressions voire des menaces de toute nature.
Je voudrais remercier tous les cadres du parti qui se sont impliqués dans cette collecte et les dix (10) jeunes bénévoles qui ont passé les trois dernières semaines à travailler de jour comme de nuit afin de vérifier les fiches et saisir les données collectées.
Mesdames et Messieurs,
Après avoir réuni tous les documents nécessaires pour faire acte de candidature et à la veille de la date de clôture du dépôt des candidatures, nous avons procédé à un examen de la situation socio-politique du pays aux termes duquel, il nous est apparu nécessaire d’interpeller principalement le Président de la République et candidat, Monsieur Alassane OUATTARA d’une part et de lancer un appel aux Ivoiriens d’autre part.
Monsieur le Président,
Vous êtes le conducteur actuel du véhicule ivoire.
Je vous demande de cesser de nous conduire en ayant les yeux rivés sur les rétroviseurs, le pare-brise étant plus large et la route sinueuse en ce moment.
Ne dit-on pas que la mesure ultime du leadership est la capacité de partir, céder sa place au bon moment ?
Je vous demande, je vous prie de prendre les bonnes mesures afin d’éviter que les mêmes causes produisent les mêmes effets.
Monsieur le Président,
Souvenez-vous de la présidentielle de l’an 2000 et de ce que nous a apporté l’exclusion ;
Souvenez-vous, jamais en Côte d’Ivoire une élection présidentielle n’a été organisée alors que des candidats importants étaient en exil et leurs principaux soutiens écroués dans des maisons d’arrêts ;
Souvenez-vous, jamais dans l’histoire de la Côte d’Ivoire indépendante, une période de dépôt de dossiers de candidature à l’élection présidentielle n’a engendré autant de manifestations, autant de violence et de morts ;
Monsieur le Président,
Ne vous enfermez pas dans votre case pour n’écouter que les caciques de votre camp qui n’ont que faire de votre réputation mais cherchent plutôt à sauvegarder leurs positions précaires de prédateurs.
Monsieur le Président,
Déverrouillez la porte de votre case que vous avez pris soin de boucler à double tour ;
Le temps des présidences impériales est terminé.
Monsieur le Président,
Il est encore temps de dialoguer car vous avez en face de vous une opposition républicaine qui a recourt à la justice pour trancher les désaccords politiques.
C’est pour cette raison que votre opposition s’est adressée à la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples quand elle n’a pas été d’accord avec votre passage en force pour reformer la Commission électorale.
C’est pour cette même raison que je vous demande d’appliquer intégralement les termes de l’arrêt de la Cour Africaine qui, le 15 juillet 2020, a clairement enjoint à l’Etat de Côte d’Ivoire, avant toute élection, de reformer la Commission centrale de la Commission Electorale Indépendante par la nomination de nouveaux représentants de l’opposition et de la société civile d’une part et les commissions locales par la reprise de l’élection de leurs bureaux d’autre part.
Monsieur le Président,
Votre qualité de président de la République et de chef de l’Etat vous rend exclusivement responsable devant le Peuple de la stabilité de la nation et de cohésion sociale ;
Diriger, ce n’est pas réduire vos opposants au silence ou à l’exil ;
Diriger, ce n’est pas emprisonner les voix discordantes y compris au sein de la société civile ;
Diriger, ce n’est pas opprimer, oppresser, réprimer, menacer, intimider et interdire ;
Diriger, c’est mettre l’intérêt de la nation au-dessus de tout et surtout de l’intérêt particulier ou partisan ;
Diriger, c’est éviter de faire subir à autrui ce que nous avons subi si abject et néfaste soit-il ;
Diriger, c’est prendre de la hauteur en permanence, c’est pardonner, c’est tendre la main !
Monsieur le Président,
La constitution d’un pays n’est pas seulement une loi. La constitution d’un pays, c’est aussi et surtout le contrat social que ses citoyens ont adopté pour réguler leurs rapports afin de vivre ensemble.
Et comme dans tout contrat, privé ou public, les écrits échangés entre les parties à l’occasion de sa conclusion, sont les moyens permettant de déterminer la commune intention des parties destinée à interpréter toute clause dont l’application poserait un problème.
Or tant vos déclarations que vos écrits ainsi que celles et ceux de votre Gouvernement et de vos collaborateurs que vous avez chargés de négocier et de promouvoir le contrat social du 08 novembre 2016, sont tous unanimes sur un point : il vous est impossible juridiquement de concourir à un autre mandat après le deuxième que vous êtes en train d’achever.
Monsieur le candidat,
Le mandat que vous entendez quérir auprès du Peuple ivoirien n’est pas seulement anticonstitutionnel, il pose avant tout, un grave problème d’éthique en politique et de confiance du peuple en la parole de ses dirigeants.
Votre candidature constitue, à cet effet, l’exemple parfait du précédent dangereux.
En conséquence,
J’en appelle à vos amis et mentors connus ou inconnus, d’ici ou d’ailleurs, à tous les amis de la Côte d’Ivoire, afin qu’ils vous déconseillent d’emprunter le chemin sur lequel vous vous êtes déjà engagé ;
J’en appelle à votre « Tantie », la Grande Chancelière, le Professeur Titulaire d’Histoire, Mme Henriette DAGRI-DIABATÉ, afin qu’elle vous mette en garde contre une répétition de l’histoire dans notre pays ;
C’est pour cela qu’enfin, j’en appelle à « votre fils », Monsieur le Premier Ministre Hamed BAKAYOKO afin qu’il vous parle, vous son « père » ;
A vous tous, amis et intimes du Président et candidat Alassane OUATTRA ;
Même s’il a déjà perdu le prix Mo Ibrahim auquel sa déclaration du 05 mars 2020 devant le Congrès le destinait, il est encore possible de l’aider à sauver la Côte d’Ivoire et le solde du crédit qui lui reste.
Enfin, j’en appelle à toutes les personnalités et à tous sachants ;
C’est maintenant que vous devez vous exprimer, c’est maintenant que vous devez donner de la voix car votre silence équivaudra à une complicité.
Si toutes ces personnes devraient échouer, ce que je ne souhaite pas, j’en appelle particulièrement, d’ores et déjà à :
Monsieur KONE Mamadou :
Président du Conseil constitutionnel, ancien président de la Cour suprême de Côte d’Ivoire, ancien Garde des sceaux, ministre de la Justice et ancien Secrétaire général par intérim des Forces nouvelles.
Je vous en conjure, ne laissez pas, à nouveau, le démon prendre possession d’un autre président de notre Conseil constitutionnel.
Souvenez-vous constamment de vos propres mots, et je cite : « disons-nous la vérité et reconnaissons que par la faute de certains d’entre nous, le Peuple au nom de qui nous rendons la justice et qui est notre juge, n’est pas loin de nous retirer sa confiance, si ce n’est déjà fait. (….) Malheur donc à celui par qui un tel scandale arrivera ».
Mme Jacqueline LOUHESS-OBLE.
Le Peuple de Côte d’Ivoire au nom duquel vous rendez vos décisions en qualité de membre du Conseil Constitutionnel, a le regard tourné vers vous, vous la première femme Professeur Titulaire de Droit de Côte d’Ivoire, première femme doyenne de la faculté de Droit de l’université de Côte d’Ivoire, première femme Garde des sceaux, ministre de la Justice, première femme candidate à une élection présidentielle en Côte d’Ivoire.
A tous les autres conseillers actuels du Conseil constitutionnel, Messieurs Ali TOURE et Vincent Koua Diehi et à vous Mmes Assata Koné épouse Silué, Rosalie Kouamé Kindoh épouse Zalo et Me Mamadou Samassi qui entrerez en septembre au Conseil Constitutionnel, rappelez-vous que vos décisions sont rendues au nom du peuple et pour le peuple et non contre le Peuple.
En ce qui nous concerne, nous sommes disponibles pour aider modestement à la réflexion sur les possibilités de nous en sortir collectivement.
Mesdames et Messieurs,
Ivoiriens, Ivoiriennes,
En attendant de savoir ce qu’il en sera des différentes interpellations et appels que je viens de lancer ;
Afin de ne pas être un activateur volontaire ou involontaire du crash et de l’incendie qui se profilent à l’horizon ;
Parce que le but de notre engagement en politique est de servir le Peuple de Côte d’Ivoire ;
Parce que depuis la décision de l’UPCI prise le 25 juillet 2020 de parrainer une candidature à l’élection présidentielle du 31 octobre 2020, de gros nuages d’incertitude et de confusion sont venus s’amonceler au-dessus de notre pays ;
Parce que l’offre politique alternative dont nous sommes porteurs ne peut être audible lorsque des manifestants aux mains nues sont assassinés par des forces parallèles et que de nombreux blessés sont dénombrés ici et là ;
A ce stade de mon propos, je m’incline devant la mémoire des disparus et exprime ma compassion aux blessés ;
Parce qu’en 2020, le Peuple de Côte d’Ivoire mérite mieux que le solde macabre d’un contentieux trentenaire ;
Parce que nous aimons profondément notre pays, la Côte d’Ivoire, notre bien commun ;
J’ai décidé, en accord avec les valeurs, les idéaux de paix et d’unité de la nation promus par l’UPCI, de me retirer provisoirement du processus électoral en cours.
Et je lance un appel solennel à la retenue.
A tous nos collecteurs terrain et collecteurs régionaux ;
A tous nos adhérents et sympathisants qui ont suscité notre candidature et se sont engagés à porter notre projet commun de renouvellement du personnel politique ;
A toutes celles et à tous ceux qui nous ont accordé leur parrainage ;
Je leur suis reconnaissant pour le travail abattu et leur exprime ma profonde gratitude.
Aujourd’hui comme hier, le 28 avril 2018, notre rôle, en tant qu’acteur politique, n’est pas de vous conduire tout droit dans le mur.
Au contraire, par la présente décision, il s’agit de vous alerter sur la nécessité de passer la période trouble qui s’annonce.
Le moment viendra où, par temps moins incertain, l’UPCI fera valoir vos aspirations profondes.
Dieu bénisse la Côte d’Ivoire.
Je vous remercie.
Fait à Abidjan, le 30 août 2020
Me SORO Brahima
Président de l’Union Pour la Côte d’Ivoire