Quelles sont les actions que le Comité de Coordination pour la Participation Politique des Femmes (2C2PF) a menées depuis sa mise en place pour la promotion de la participation politique des femmes en Côte d’Ivoire ?
Nous avons posé une esquisse d’avant-projet de loi au Ministère de la Famille, de la Femme et de l’Enfant. Le Ministère s’est approprié l’esquisse et en a fait un projet de loi. Le projet de loi a évolué et en 2019, nous avons eu une loi sur le quota de 30%.
Au delà de ces actions, nous avons aussi sensibilisé les femmes en tant qu’électrices en leur demandant d’aller s’inscrire massivement sur la liste électorale car c’est une manière d’accomplir leur devoir citoyen. Nous avons donc demander aux femmes d’oser, parce que, si elles sont dans les partis politiques, c’est pour pouvoir bien servir leurs partis en tant qu’électrices.
Vous parlez d’oser alors que certaines femmes ont refusé de se porter candidates sous prétexte qu’elles ont peur.
Oui il y a certaines qui ont refusé de se présenter. C’est normal. Elles ont peur parce que, la politique, ce milieu-là fait peur. Les hommes ne leur font pas cadeau. Il y a trop de violences au sein de la politique. Et c’est pourquoi elles sont réticentes. Il faut que les femmes aient de moins en moins peur. Avant, il n’y avait pas de cadre juridique. Aujourd’hui qu’il y a ce cadre juridique, il faut travailler à l’améliorer pour que les femmes n’aient plus peur, pour qu’elles osent, pour que ces femmes comprennent qu’elles ont leur mot à dire. Donc c’est ce travail que nous devons faire.
A partir de ces élections, il y a un travail qui sera fait tant au niveau des femmes qu’au niveau des partis politiques.
Dans quelles proportions, les femmes ont été inscrites sur les listes de candidature?
On a remarqué que la plupart des partis politiques n’ont pas pu atteindre le quota de 30%. Et nous pouvons citer quelques partis politiques tels que le RHDP avec 14% de candidature féminines, le PDCI avec 13,24 %, EDS, nous avons eu 9, 70%, le FPI, on a eu 19,69%, etc.
Donc c’est pour vous dire que la plupart des partis politiques, à part un ou deux, n’ont pas pu avoir 30% de candidatures féminines.
Voici les chiffres, les proportions que nous avons eu pour ces élections législatives.
Vous avez affirmé, lors d’une conférence de presse que vous avez animée le 29 janvier dernier, que l’organe en charge de l’organisation des élections, la CEI prononcera des sanctions à l’encontre des partis et groupements politiques n’ayant pas respecté le quota de 30% de candidature féminine.
Qu’en est-il ?
Oui nous avons dit que la CEI prononcera des sanctions. Mais on s’est rendu compte que cette loi n’a pas été appliquée par la CEI même. Le CEI s’est contentée seulement de l’article 78 qui dit que le quota de 30% de candidature féminines sera appliquée dans les circonscriptions de plus de 2 sièges. Je me réjouis parce qu’il y a eu des électrices, candidates qui ont saisi le conseil constitutionnel. Le conseil constitutionnel s’est prononcé et a dit que nous n’avons pas donné suffisamment d’informations. Mais c’est déjà un pas parce que les femmes ne sont pas restées là à ne rien faire.
Est-ce que cela ( le non-respect du quota de 30%) ne va pas se reproduire lors des échéances électorales à venir ?
Nous n’allons pas permettre que cela se reproduise parce que nous allons continuer le travail de sensibilisation des femmes et aussi une harmonisation de ces textes pour qu’on fasse du respect des droits des femmes une réalité.
Selon les résultats provisoires proclamés par la CEI, sur 254 députés élus, il n’y a eu que 32 femmes soit 12,59 % de femmes au sein de l’hémicycle, bien loin du quota de 30% ?
Quel commentaire faites-vous au regard de ces chiffres ?
Nous constatons la sous-représentativité des femmes. C’est dommage parce qu’on voulait que cette loi fasse boom pour une application. Malheureusement, ça n’a pas été fait et nous voyons qu’au niveau du parlement, on va toujours nous interpeller. Ça aussi c’est l’image de la Côte d’Ivoire qui est en train de prendre un coup. C’est dommage que ça se passe ainsi. Il va falloir faire un travail sur la loi. Qu’on applique. La loi est dure mais c’est la loi.
L’on a enregistré 14% de candidatures féminines et 12, 59% de femmes ont été élues. Selon vous, qu’est-ce qui explique cet écart ( la régression) d’environ 1, 5 % ?
Il n’y a pas de promotion véritable des femmes au sein des partis politiques. Parce que, si les partis politiques avaient déjà inclu le quota minimum de 30% au niveau de leur direction, ce problème n’allait pas se poser. C’est un début. Il faut continuer le plaidoyer.
Avec le travail que nous allons accomplir, je pense que cela va amener les choses à changer.
Mme Sylvia Apata, militante pour les droits des femmes et Directrice d’une ONG a, à l’issue de la proclamation des résultats provisoires, affirmé que ce scrutin législatif a échoué à améliorer la représentativité des femmes à l’hémicycle.
Que pensez-vous de ces propos ?
Mais je suis d’accord avec elle parce qu’on se disait qu’avec la loi, on allait voir beaucoup de femmes dans les Assemblées élues. Mais malheureusement. Puisque les partis politiques ne veulent pas positionner les femmes, donc on va toujours rester dans la sous-représentativité. Donc c’est un échec.
Je pense que, pour les 5 ans à venir, les femmes ivoiriennes politiques doivent pouvoir tirer leçons, mettre des stratégies en place. Elles doivent avoir leur place dans les partis politiques. Et leur place, ce n’est pas la mobilisation seulement. Il faudrait qu’elles soient à la table de décision avec les hommes. Puis, il va falloir que nous cultivions aussi la solidarité féminine. C’est à ce titre-là que nous pouvons gagner ce combat.
Que pouvez-vous recommander aux femmes politiques en vue d’accroître leurs chances lors des élections à venir ?
Elles doivent être à la table de négociation. Il faudrait qu’à partir de ces échecs, elles commencent à préparer le terrain très tôt, être sur le terrain, à prendre conscience.
Avez-vous un message à adresser à ces 32 femmes qui sont sorties la tête haute, élues à l’issue de ce scrutin ?
Nous leur adressons toutes nos félicitations parce que ce sont des femmes qui ont osé. Elles sont allées au charbon. Elles ont fait ce qu’elles pouvaient. Elles ne doivent pas oublier les autres. Elles arrivent à tirer les autres vers elles.
Maintenant, celles qui ont perdu, le combat continue. Il faut qu’elles aillent se préparer maintenant et revenir en 2025. Qu’elles continuent à travailler au sein des partis politiques pour que la promotion des femmes soit une réalité.
Quel appel pouvez-vous lancer aux partis politiques ainsi qu’à la société civile ?
D’abord, aux partis et formations politiques.
C’est d’être plus sensible au genre, faire la promotion des femmes, parce que c’est notre texte fondamental qui le dit. La promotion de la femme permet même à ces partis politiques de gagner en notoriété et en visibilité aussi sur le terrain. Ces dirigeants savent qu’ils ne peuvent pas gagner seuls. Qu’ils apprennent déjà à respecter le quota de 30% au sein de leur parti.
Concernant la société civile, c’est de toujours accompagner les femmes, les encourager à oser, sortir de ce leadership qu’elles ont en elles. En tant que société civile, on fera des formations, des plaidoyers, des sensibilisations pour qu’elles aient davantage confiance en elles.
Réalisée par Sunday Alain