Henri Konan Bédié et le PDCI-RDA étaient attendus; ils n’ont pas manqué le coche et peuvent être déclarés grands vainqueurs des élections locales couplées (municipales et régionales) du 13 octobre 2018.
Pour eux et sous de défavorables auspices après leur refus du Parti unifié RHDP, les carottes paraissaient cuites: d’un côté, des dissidents prêts à tout pour leur faire plier l’échine en usurpant même le logo de l’ex-parti unique sur leurs affiches de campagne; de l’autre, une justice aux ordres et un pouvoir grincheux pour porter l’estocade.
Bédié et le PDCI-RDA ont été poursuivis dans leur dernier retranchement jusqu’à la veille des consultations. Les boucs émissaires sont parvenus à rabaisser le caquet aux matadors.
Non seulement Bédié, en manoeuvrant habilement, a réussi un coup de maître, mais le plus vieux parti du pays, ragaillardi par les coups de boutoir, convainc de son ancrage socio-politique.
Du coup, la justice a renoncé à son harcèlement, le pouvoir essaie de mettre un peu d’eau dans son gnanmakoudji (de réglement de compte) et le PDCI-RDA a reconquis ses bastions traditionnels dont Yamoussokro.
Mieux, à Abidjan, le parti a fait mordre la poussière au RDR et à sa coalition du RHDP dans deux communes emblématiques: Cocody, quartier de résidence de l’élite, et le Plateau, quartier d’affaires et siège des Institutions.
En attendant les résultats dans neuf communes et trois régions, le PDCI-RDA engrange 47 communes sur 188 (soit 25?) et cinq régions sur 27 (soit 18.51?) contre respectivement 90 (soit 47.87%) et 18 (soit 66.66%) pour le Parti unifié RHDP.
Ces chiffres qui peuvent laisser penser à un raz-de-marée électoral de l’écurie d’Alassane Ouattara, cachent le poids démographique et électoral des forces en présence.
Le Parti unifié RHDP maintient l’exclusivité sur sa chasse gardée: le Nord du pays où il y a encore, en 2018, des candidatures uniques avec 100% de suffrages exprimés. Mais cette partie du pays, désertée par ses ressortissants, représente environ 1/5 du corpus électoral (6.595.899 électeurs); les 4/5 revenant à Abidjan et au Sud du pays.
De ce fait, si les 90 communes du RHDP essentiellement glanées au Nord pourraient ne rassembler qu’environ 200.000 électeurs (avec des micro-communes d’environ deux mille inscrits), les 47 du PDCI-RDA sont susceptibles de concerner plus d’un million d’électeurs.
L’ex-parti unique apparaît ainsi comme un poids lourd qui aimante l’opposition en général dans la perspective de la présidentielle de 2020.
Pour cette échéance qu’ils lorgnent, Soro Kigbafori Guillaume et ses suiveurs peuvent faire grise mine. À l’occasion de ces consultations, ils ont refusé la discipline de parti au RHDP et tenté une répétition générale qui a tourné au cauchemar politique.
Hamed Bakayoko « a tchoun » la commune abidjanaise d’Abobo en battant Koné Tehfour, candidat soutenu par Soro.
Il en fut de même pour deux figures de proue du soroïsme: Michel Lobognon Agnima, maire sortant de Fresco et président du mouvement politique pro-Soro baptisé « Alliance du 3 avril », et Célestine Olibé Tazéré, vice-présidente de l’Assemblée nationale. Ils ont perdu face à leurs camarades de parti, signe que les temps ont changé et qu’il y a peut-être souvent beaucoup de bruit politique pour…rien.
FERRO M. Bally